Pourquoi la médiation entre Suez et Véolia n’est pas une médiation : réflexions sur une affaire qui a pris l’eau

La médiation un est un mode amiable de résolution des conflits opérant et qui permet de trouver des voies de sorties alors que l’on pensait la situation sans issue. Toute visibilité donnée à la pratique de la médiation et des succès qu’elle peut générer fait sortir de l’ombre cette activité méconnue. 

Hélas, quelques semaines après l’annonce de l’accord entre Suez et Véolia, une belle vitrine de la médiation se fissure. Médiapart révèle les dessous d’une “médiation” qui n’en est tout simplement pas une : 

L’indépendance du médiateur pour éviter le conflit d’intérêt

Lorsque deux parties sont en conflit et qu’elles décident d’un commun accord de solliciter un tiers médiateur, celui-ci doit garantir son indépendance. Lorsque nous rencontrons nos clients, nous nous présentons en insistant sur le fait qu’on ne se connait pas. Et nous sommes transparents sur la manière dont nous avons été identifiés (recommandation, recherche internet, etc). 

Cette absence de précédent dans la relation avec les médiés est clé pour l’instauration de la confiance dans le médiateur. L’indépendance du tiers est aussi le moyen le plus sûr d’éviter tout conflit d’intérêt. 

Dans le contentieux entre Suez et Véolia, c’est l’ancien président de Suez qui s’est prêté à l’exercice. Certes, les deux parties semblent avoir donné leur accord sur ce nom mais comment a-t-il pu garantir son indépendance  ? 

Le médiateur est au service de toutes les parties pour garantir l’impartialité

Il arrive souvent que les personnes en conflit soient rassurées par la position “d’expert” du médiateur ou des co-médiateurs auxquels elles ont fait appel. En tant qu’ancien président du groupe Suez, M. Mestrallet bénéficiait sans doute d’un crédit de confiance lié à sa connaissance du groupe et d’ENGIE (autre actionnaire de taille dans cette affaire). 

L’expérience rassure et pourtant elle peut être tout à fait contre-productive en médiation : les médiateurs dotés d’une formation solide comme la nôtre savent que “moins on en connaît, mieux on questionne” et c’est ainsi qu’on fait cheminer les gens jusqu’à se mettre  d’accord. 

Au-delà de l’indépendance de M. Mestrallet, la question de son impartialité se pose. Pouvait-il vraiment être à cette place de tiers médian, à l’écoute de Suez et de Véolia de manière juste et équitable ? C’est pourtant un principe fondamental posé par le code de déontologie des médiateurs et une condition importante pour que chaque partie se sente respectée et écoutée en médiation. 

La neutralité vis-à-vis des solutions adoptées 

Les médiateurs prennent une position “neutre” par rapport aux solutions que les parties engagées dans la médiation pourraient trouver. Ils n’apportent pas de solutions mais ils créent les conditions pour les faire émerger. 

Là aussi, difficile d’imaginer que l’ancien président de Suez n’ait pas participé activement à la recherche de solutions dans le conflit qui opposait son ex-employeur à Véolia. 

La confidentialité

C’est au sujet de la rémunération du médiateur que le scandale est arrivé. Outre le montant juteux de la somme versée à M. Mestrallet, sans commune mesure avec les honoraires modestes des médiateurs, c’est agiter le drapeau de la confidentialité pour en parler qui déroge de nouveau à la déontologie en vigueur dans notre activité. 

La confidentialité porte sur les propos tenus en médiation, éventuellement sur les termes de l’accord lorsque les personnes ne souhaitent rien en dire à l’extérieur. La confidentialité est essentielle pour créer les conditions d’un dialogue en confiance. 

Cependant, la convention de médiation qui régit la prestation de médiation n’est pas confidentielle. Elle garantit au contraire la transparence de cette démarche, la déontologie des professionnels qui l’exercent, les engagements réciproques des médiés, des médiateurs, ainsi que leurs honoraires.

 

=> Indépendance, impartialité, neutralité et confidentialité sont les quatre piliers de l’activité de médiateur telle que définie dans le code national de déontologie du médiateur. 

Dès lors, comment la prestation de M. Mestrallet dans le contentieux opposant Suez et Véolia pourrait-elle être qualifiée ? Négociation assistée ? Négociation raisonnée ? Conciliation ou bons offices ? Ce n’est pas à nous d’en décider. Il nous tient néanmoins à cœur de refuser de la nommer médiation. 

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