Les émotions résistent au masque et au gel hydro-alcoolique

S’il existe un geste barrière impossible en situation de confinement, c’est bien celui de se protéger de ses émotions. Elles sont là, elles nous remuent de l’intérieur, et parfois nous les transmettons aux autres. 

Le contexte actuel d’incertitude peut même les exacerber, nous faire nous sentir angoissés, apeurés, anxieux. Il arrive à  certains moments d’être submergés par le face à face imposé actuellement et de “péter les plombs” avec notre entourage. 

Que faire face à cela ?

Nous sommes des êtres émotifs 

Nous n’avons pas véritablement de prise sur ses émotions. Les psychologues québécoises Marcelle Ricard, Louise Cossette et Thérèse Gouin Décarie(1)  décrivent avec précision le “processus émotionnel” dans lequel nous sommes entraînés

Un événement survient (des informations, des paroles, des situations). Cet événement est alors “évalué” par notre organisme qui va manifester des signes corporels (rougir, trembler, pleurer, transpirer…), nous faire vivre des sensations (ressenti de chaleur, de noeud à l’estomac, de mâchoires serrées, de détente), et un état affectif (bien-être, inconfort, …).

Pas facile de composer avec notre système nerveux ! C’est un peu comme vouloir ralentir son rythme cardiaque ou agir sur son système digestif. 

Pour les émotions, le défi consisterait à agir sur nos propres neurones. Deux chercheurs psychologues cliniciens, Philippe Claudon et Margot Weber, situent en effet la mécanique -ou plus exactement la biologie- des émotions au coeur même de notre cerveau, précisément dans les zones thalamiques(2)

Le confinement : une situation particulièrement négative à traverser

La crise actuelle bouleverse nos routines. Nos relations avec les autres sont modifiées. Les hospitalisations et les décès suscitent tristesse et inquiétude pour notre santé et celle de nos proches. Notre liberté de mouvement est entravée par les mesures de protection. Cela peut générer de l’anxiété, car nous perdons une partie du contrôle habituel que nous avons (ou que nous pensons avoir) sur notre vie quotidienne, nos horaires, nos habitudes.  

La télévision et les réseaux sociaux, qui nous livrent en continu des nouvelles désolantes peuvent provoquer en nous un sentiment d’impuissance voire de panique. Le manque de contacts humains, l’isolement peuvent peser lourd.  

Que faire de tout cela dans le contexte inédit que nous traversons ?

Apprivoiser plutôt que refouler

Pour composer avec ces émotions envahissantes, surtout, ne pas les ignorer ! La psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol(3) le dit simplement : “Il n’y a pas de mauvaises ou de bonnes émotions, il y a juste des émotions qui nous disent quelque chose de notre existence. Et ce que nous pouvons faire est d’aller à leur rencontre. Pour en tirer profit bien sûr, mais surtout pour prendre soin de soi”.  

En d’autres termes, le meilleur vaccin face à ces émotions qui nous submergent consiste à accueillir avec lucidité ce qui se passe en nous. 

Prendre une grande respiration, se connecter avec ses ressentis même s’ils sont inconfortables, prendre le temps de laisser résonner en soi, repérer où cela se joue dans notre corps (tête, cou, épaules, mâchoire, dos,estomac ? … ). Après quelques secondes d’introspection, tenter de nommer ces émotions. Ne pas “mentaliser” en cherchant des causes, des conséquences, des solutions. Prendre le temps de visiter notre intime, nommer ce qui nous traverse, cela permet une prise de recul. Non pas pour mettre à distance ou refouler ces ressentis, mais pour les apprivoiser. 

S’écouter et se faire éventuellement accompagner

Cette écoute de soi est inhabituelle et parfois difficile à opérer soi-même. Si l’on pense par exemple que le déclencheur de son émotion a été une attitude de son conjoint, la réaction d’un enfant, la parole d’un proche, on a vite fait de désigner un coupable extérieur à notre trouble intérieur. Ce faisant, on rationalise, on ignore son état intérieur, et surtout on occulte le fait que cette émotion est personnelle et singulière. Un autre que nous, dans la même situation, face aux mêmes paroles, aurait réagi différemment.

Dans certains cas un tiers est utile pour accompagner cette écoute de soi. Si les émotions sont très fortes (déprime, terreur, angoisse), durent plusieurs jours ou provoquent des troubles du sommeil, de l’appétit ou de fortes colères, l’appel à un psychologue est sans doute la meilleure chose à faire. Si les émotions qui vous traversent sont issues de conflits confinés à répétition, un médiateur peut vous écouter et vous aider à démêler ces situations.

 

  1. Ricard M., Cossette L., Gouin Décarie T. (1999), Développement social et affectif, Manuel de psychologie de l’enfant, Sprimont, Mardaga éditeur, Chapitre 7, pp. 215-260.
  2. Claudon P., Weber M. (2009), L’émotion, Devenir, Vol. 21/1, pp.61-99.
  3. Aimelet-Périssol C. (2020), Apprivoiser ses émotions, un défi de taille dans les foyers, Le Monde, n°23412, 17/04/2020, p.15.

 

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