« L’Angleterre a gagné le jeu des processus, le jeu qui se joue dans la tête d’un entraîneur un vendredi soir, le jeu que l’on joue quand on n’a pas de véritable mémoire institutionnelle sur laquelle s’appuyer. Mais la France a gagné le jeu des moments, le jeu des actions plutôt que des intentions. Et dans une confrontation unique avec tout ce qui est en jeu, ce sont les moments qui vous font gagner le match. » selon le journal Le Monde du 11/12/2022 citant et traduisant The Guardian.
Une médiation de conflit ne se prépare pas dans la tête d’un médiateur la veille d’une rencontre entre deux, quatre, neuf ou douze personnes qui s’opposent. Il ne sert à rien de réviser la roue de Fiutak ou de relire de grands spécialistes du sujet comme Jacques Faget ou Arnaud Stimec avant d’entrer dans l’arène de la discorde. Il est bon d’avoir le processus en tête, mais son application stricte ne permettra pas de « faire médiation », d’accompagner les médiés à retrouver une relation plus fonctionnelle.
Le travail du médiateur/de la médiatrice se fait le jour J sur le terrain et quand les deux parties se confrontent. Quand les attaques et les contre-attaques se succèdent et se multiplient, quand les émotions débordent, quand les besoins profonds s’expriment. Le médiateur travaille dans l’instant présent tout en refaisant le match de la veille. Le médiateur se saisit d’émotions qu’il va refléter. Le médiateur repère des demandes fortes qu’il va reformuler. Le médiateur capte les prises de conscience de l’un qu’il va souligner ou tenter d’entendre à l’autre.
Bien sûr la médiation n’est pas un jeu. Les personnes en médiation vivent souvent ce moment avec gravité et inconfort. Aucun médiateur digne de ce nom ne joue avec les personnes, il les respecte et en prend soin.
L’analogie avec le sport reste pertinente, pas tant sur le jeu que sur la présence et l’ajustement du médiateur à la réalité immédiate. On peut connaître toutes les règles, avoir lu tous les auteurs, c’est dans le temps « Kairos » des grecs que le médiateur agit.
En revanche, le médiateur ne dépense pas son énergie pour gagner la coupe ou une récompense. Ici s’arrête la métaphore sportive. Sa réussite tiendra dans la nature même de ses services. Et au fond de lui-même il se félicitera d’avoir contribué à améliorer la circulation non pas du ballon mais de la parole. Et fait gagner aux médiés en fluidité dans leurs relations quotidiennes.