Grâce au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, l’année 2018 s’est ouverte avec un coup de projecteur sur la médiation. Un conflit qui dure depuis plus de 40 ans, des enjeux identitaires, politiques, écologiques, économiques : une piste d’envol ou un terrain miné pour une médiation ?
La volonté gouvernementale de recourir à des tiers pour résoudre un dossier épineux
De nombreuses options ont été tentées pour concilier les différents points de vue dans la région nantaise: une enquête publique, une commission du dialogue, un référendum local. Chacun campé sur ses positions, la situation, sans solution satisfaisante, semblait inextricable.
C’est dans ce contexte que les nouvelles autorités politiques avaient missionné “trois personnalités reconnues pour leur expérience” dans l’optique de retrouver un “dialogue apaisé avec les acteurs et dans le respect de l’ordre public” : des “médiateurs”.
Une nouvelle approche du conflit ?
Recourir à un tiers pour résoudre un problème, c’est reconnaître qu’il existe. Il est important de nommer les choses et de ne plus cacher sous le tapis ce qu’on aimerait voir déjà résolu. La lettre de mission des trois “médiateurs” reconnaissait l’existence d’un conflit ancien, de visions antagonistes, de blocages.
Faisant explicitement référence à la pensée de Paul Ricoeur sur le conflit, le site de présentation de la mission des “médiateurs” semblait vouloir opérer un changement de regard sur les tensions suscitées par le projet Notre-Dame-des-Landes : “ le conflit n’est pas un accident ni une maladie, ni un malheur ; il est l’expression du caractère non décidable de façon scientifique ou dogmatique du bien public”. Une invitation au pragmatisme et à faire avec les dissensions en présence.
Le choix de mettre en place une médiation aurait pu être l’occasion de faire de la pédagogie auprès du grand public sur une méthode remarquable de gestion de conflit. En médiation, il est possible de transcender le litige en s’attachant en priorité à désamorcer les tensions relationnelles, à s’arrêter sur les noeuds du conflit qui permettent in fine de recréer un espace de dialogue entre les parties prenantes.
Médiation or not médiation, telle est la question
En regardant de plus près la lettre de mission envoyée aux trois personnalités, on s’interroge sur la nature exacte du mandat qui leur a été confié :
“Vous auditionnerez l’ensemble des parties prenantes sur un pied d’égalité et ferez le bilan de leurs motivations respectives”; “après avoir écouté les parties prenantes (…), vous préciserez la faisabilité des options proposées”; “Vous formaliserez l’évaluation des différentes options et les hiérarchiserez dans le rapport de mission”.
Le texte remis au Gouvernement le 13 décembre 2017 répond parfaitement à l’injonction de présenter des propositions argumentées sur les décisions à prendre.
Cependant, le Code de Déontologie de la Médiation pose un cadre tout autre : selon ce Code, le médiateur intervient dans un conflit entre deux ou plusieurs parties comme tiers neutre, indépendant et impartial. Il n’est ni expert ni arbitre. Il n’apporte pas de solution et ne peut être tenu de remettre un rapport à l’issue des entretiens.
Les trois personnalités missionnées ont sans doute fourni un travail colossal d’analyse et de synthèse qui aura éclairé et permis la prise de décision du gouvernement fin janvier. Mais ont-il fait médiation? La réponse est venue des autorités elles-mêmes. Au lendemain de la décision du Premier Ministre d’abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes, le porte-parole du gouvernement saluait sur France Inter le travail des trois “experts” consultés.
analyse pertinente
il ne s’agissait pas vraiment d’une médiation mais d’un énième rapport d’experts dont les conclusions étaient connues à l’avance
bravo pour ce site et bravo à mes anciens collègues du CNAM, Natacha, Jeanne et Denis