Booba-Kaaris, (1/3) Effets retentissants pour un conflit très banal

 

 

L’attention des médias sur le « clash » du 1er août 2018 entre les deux stars du rap, puis leur procès le 6 septembre, ont pu donner l’impression qu’il s’agissait d’un conflit extraordinaire. Il n’en est rien. L’escalade conflictuelle a suivi les étapes classiques d’une relation qui se dégrade entre deux personnes jusqu’à basculer dans la violence.

De l’harmonie à la discorde

Les liens entre les deux hommes se sont apparemment noués en 2011. Booba a invité Kaaris à participer à des morceaux de musique, l’un et l’autre se sont encouragés sur les réseaux sociaux. Lune de miel de l’amitié s’appuyant sur des échanges artistiques et mise en scène du soutien réciproque par des messages et des vidéos sur le net.

Leur amitié se serait fissurée en 2014. On se fâche « bien » avec des personnes qu’on a aimé : conjoint, parents, frères et sœurs, amis, collègues de travail… Le différend entre les deux amis rappeurs se développe progressivement. L’élément déclencheur identifié par la presse ? Prise de distance du « disciple » Kaaris vis-à-vis de son « mentor » Booba, volonté du plus jeune de tracer sa route, de se faire sa place.

Il s’est passé quelque chose, une brèche est apparue entre eux, comme dans la pièce « Pour un oui ou pour un non » de Nathalie Sarraute où la condescendance brise l’amitié. Seuls les deux hommes sauraient dire ce qui, dans leur relation, ne convenait plus à l’un ou à l’autre, ce qu’ils souhaitaient l’un ou l’autre voir changer. Si cette expression des protagonistes avait lieu, par exemple dans le cadre d’une médiation, il est possible que l’autre dirait qu’il était satisfait du modus vivendi, qu’il n’avait pas vu ni compris ce qui se passait. Dans ce type de situations, l’un exprime parfois son besoin de réalisation de lui-même, d’émancipation, l’autre exprime en revanche qu’il s’est senti délaissé, voire trahi.

Une fissure qui devient tranchée

A ce stade, le conflit entre les deux rappeurs est allé croissant. En s’inspirant de l’image du philosophe François Jullien, on pourrait dire que la brèche entre eux est devenue une fissure, puis une fente, puis une faille, puis un fossé… jusqu’à finir par prendre une allure de tranchée. D’après les médias, les signes de désaccords sont d’abord apparus sous forme de blagues et de sarcasmes sur les réseaux sociaux. Rien de bien méchant en apparence, mais l’ironie peut blesser, vexer, même quand on est riche, célèbre et adepte de la musculation.

Le désamour aurait pu s’arrêter là. Mais interviennent alors les alliés, le « crew » de chaque rappeur. Ceux qui disent à l’un « Ne te laisse pas faire ». Ceux qui disent à l’autre « Non mais t’as vu ce qu’il a écrit ? »… Les réseaux sociaux donnent alors une forte résonance aux échanges. Cette polémique publique pousse les protagonistes à réagir pour ne pas apparaître comme faibles ou déloyaux vis-à-vis de leurs soutiens.

Les nombreux journalistes qui se sont intéressés au « clash » rapportent que de nouveaux glissements se sont opérés, sous forme de provocations à la radio, d’invectives voire de menaces. C’est bien une tranchée qui sépare alors les deux anciens amis. Dans leurs imaginaires respectifs, ils sont devenus ennemis. Difficile de se parler, la haine s’est installée.

Les poings quand on n’a pas les mots

Dans le hall de l’aéroport d’Orly, lorsque les regards de Booba et Kaaris se sont croisés, une émotion immense a dû les submerger. Se retrouver face à celui qui a prononcé tant de paroles agressives restées sans réponse directe depuis des mois, c’est insupportable. La suite de ces retrouvailles fortuites est connue et a été largement commentée. Dans cet espace de boutiques duty free, singulière arène de gladiateurs, ils n’ont pas pu recourir aux mots. Soutenus chacun par leurs alliés, ils ont basculé dans le langage des poings.

Lorsqu’un conflit atteint son paroxysme, les comportements des personnes concernées deviennent radicaux et irrationnels. Cris, pleurs, éclats de voix, crises de nerfs, somatisations… , les émotions sont très fortes et explosent violemment. Elie Yaffa (Booba) et Okou Gnakouri (Kaaris) ont vécu comme deux hommes ordinaires la dégradation de leur relation.

La fiction pour la suite ?

Se reparler, envisager un avenir de la relation, se séparer « mieux ». C’est accompagnées par un tiers que des personnes arrivées au point de rupture expérimenté par ces deux hommes sont parfois parvenues à envisager un avenir à leur relation ou se séparer mieux qu’à couteaux tirés.

 

(à suivre)

Booba-Kaaris, (2/3) A quoi sert un procès si chacun reste sur ses positions ?

Booba-Kaaris (3/3), Pour sortir d’un conflit, liker « confidentialité »

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